Un passage en Inde

L’Inde…

Thomas n’avait pas envie d’y aller. Estelle se réjouissait. Après deux mois de péripéties au Népal, c’est en avril, soit plus tard que prévu que nous avons franchi la frontière indienne, en pleine saison sèche.

Nous ne ferons que rapidement traverser le nord-est de l’Inde, l’état du Bengale Occidental, de Kakarbita à l’extrême est du Népal jusqu’à Kolkata (Calcutta), d’où nous prendrons l’avion pour l’Australie, en direction de la Nouvelle-Zélande. Mais ça, c’est pour plus tard.

C’est en rickshaw que nous arrivons en Inde, à la force des coups de pédale d’un courageux cycliste. Il fait chaud, très chaud, et les sacs inclus, nous pesons plus de 200 kilos… Heureusement, le pont qui sépare le Népal de l’Inde n’est pas trop long.

Nous décidons de monter chercher la fraîcheur de la petite ville de Darjeeling perchée dans la chaîne himalayenne, à plus de 2000 mètres d’altitude. Sans le savoir, nous rejoignons le lieu de villégiature des colons anglais d’autrefois qui vivaient à Calcutta et le lieu actuel de vacances d’Indiens fortunés. Darjeeling ressemble à une province du Népal, version plus riche et plus paisible. De belles routes, des habitations en dur – et non en bois – Le bouddhisme et l’hindouisme coexistent. De-ci de là, des vestiges architecturaux de l’ère coloniale. Darjeeling est célèbre pour ses plantations de thé et nous en profitons. Nous sommes loin du chaos que nous nous étions imaginé !

 

Puis c’est la descente en train jusque Kolkata. Le train, on aime beaucoup, c’est l’occasion de se plonger facilement dans la vie locale (surtout en 4ème classe), de faire des connaissances et de voir, à moindre prix, des paysages magnifiques. C’est un train couchette, certes spartiate mais propre. A part avec nos gros sacs (qu’on n’a pas osé laisser au sol sans surveillance), on n’a même pas eu à partager notre couchette avec quelqu’un d’autre ! Et à l’aube, les paysages sont à la hauteur : de grandes étendues vertes éclatantes, une petite brume, des bananeraies, des palmiers, puis des villages qui se réveillent avec leur marché animé. Un vent d’Afrique pour Estelle.

A Kolkata, il fait plus de 45 degrés. S’y côtoient une pauvreté, certes parfois cruelle, mais aussi une grande richesse avec de belles boutiques, des restaurants chics ou salons de thé, de nombreux bâtiments de style victorien. Sans avoir rien de particulier à visiter, cette ville a un certain charme.

Quelques images des rues de Kolkata, en vrac : le petit marchand de pain perdu au coin de notre rue ; les nombreux vendeurs de jus de canne à sucre et leur machine impressionnante pour broyer la canne « en live » ; les multitudes de petites gargotes sur le trottoir ou le long de la route qui vendent des trucs frits sucrés comme salés ; les minuscules échoppes en bois à deux étages encastrés dans un bâtiment avec un type assis en tailleur sur quelques planches de bois qui vend des snacks en sachet et du « pan » (la feuille de bétel locale) et juste au dessus de sa tête, quelques planches en bois sur lesquelles est assis en tailleur un autre type qui semble vendre exactement la même chose ; les vendeurs de thé dans de minuscules tasses en céramique qui jonchent les trottoirs ; les puits publics desquels sort de l’eau non potable que boivent pourtant les plus pauvres et où ils se lavent aussi ; les conducteurs de rickshaw à pieds nus cette fois, qui tirent des Indiens trop fatigués (ou trop gros) que pour marcher eux-mêmes ; les barbes ou cheveux teints en roux de certains Indiens fortunés – une grand mode manifestement – ; les mendiants qui ne nous loupent jamais ; les enfants qui dorment avec leur mère dans la rue, sur un simple carton quand ils en ont un ; les taxis jaunes qui vont et viennent sur Parkstreet à sens unique mais qui tous les jours à 13 heures change de sens de circulation (si si !) ; les odeurs étonnantes et parfois nauséabondes d’égout (ou plutôt d’absence d’égout ) ou de viande crue ; ces regards qui ne nous quittent pas et nous rappellent tous les jours notre couleur de peau et, pour Estelle, son appartenance au sexe féminin ; ces couleurs vives uniques des saris et tuniques des Indiennes en rue, et celles plus vives encore du marché aux fleurs; ce contraste entre les plus riches, très riches, et les plus pauvres qui vivent dans la misère sur le seuil des premiers – ainsi nous prenons un thé dans un salon très chic sous l’air conditionné et à travers la vitre, un infirme à quatre pattes mendie dans une ignorance terrible –et cette chaleur, anesthésiante, qui tombe sur nous comme une chape de plomb.

On reviendra en Inde, c’est sûr. Ce n’était qu’un avant-goût, hein Thomas !