En famille!

Ce jeudi, c’était jour de pleine lune, Poya Day, comme ils disent. Comme vous l’aurez deviné, ça tombe a peu près une fois par mois et, ici, c’est un jour férié. Et comme chez nous, ils ne perdent pas une occasion de faire le pont. Vous l’aurez compris, la semaine s’est terminée mercredi à 13h. Y’a pire 😉

Nous avions depuis longtemps décidé de profiter de ce long week-end pour faire une escapade en amoureux dans les montagnes verdoyantes toutes proches (4h de train, tout de même). On se réjouissait de pouvoir sortir un peu de l’école et de changer d’air pour quelques jours. Mais on ne peut pas tout prévoir. C’était sans compter sur l’invitation officielle, presque solennelle, des parents de Bimali…

Bimali est une élève de la Blue Rose, une élève pas comme les autres: la plus âgée (35 ans), certainement la plus douée, notamment en anglais, et celle avec qui on a le plus d’échanges. Jeudi dernier, au cours de gym, ses parents se sont présentés à nous pour nous inviter officiellement chez eux à Anuradhapura! Et justement le jeudi de Poya… Que faire? Quelques secondes de réflexion, ou plutôt quelques secondes à se regarder Estelle et moi dans le blanc des yeux, en sachant très bien qu’on ne pouvait pas refuser, et on a évidemment accepté. Ils étaient si fiers et si enthousiastes… bien qu’un peu tristes parce qu’ils pensaient que nous n’y étions jamais allés… Soit, à l’eau notre escapade en amoureux, nous voilà partis 2 jours à Anuradhapura en famille. Enfin c’est ce qu’on croyait. Parce qu’en fait, c’est pas à Anuradhapura mais à Ratnapura, quelques lettres qui font toute le différence. Du coup, ils étaient encore plus ravis puisque nous n’y étions jamais allés.

Donc jeudi, 6h30, nous voilà partis en voiture pour 4h de route (pour 120 km) à travers jungles et montagnes. A l’improviste, la directrice de l’école et sa famille nous ont accompagnés (avec leur voiture) pour une journée seulement. Les pauvres, 8h de route sur une même journée. On ne le saura jamais, mais on soupçonne la directrice d’être venue pour être certaine que nous étions entre de bonnes mains et qu’il n’allait rien nous arriver. Elle ne s’est pas trompé.

Ratnapura, c’est LA ville des pierres précieuses. C’est une région dont le sol renferme des quantités de pierres précieuses et semi-précieuses en tous genres, principalement saphir (bleu, jaune, rose, …), rubis, cat’s eye, pierre de lune, topaze, zircone, quartz, … Qu’ils soient mineurs, propriétaires de terrain, propriétaires de « machines » (utilisées pour remonter les sacs de terre du fond des mines et apporter de l’oxygène là en bas), détenteurs de licence (une sorte de permis d’exploitation) ou tout simplement le commanditaire (celui qui décide de creuser une mine), tout le monde ici travaille dans les pierres précieuses. Et tout le monde se connait, donc pas de coups fourrés, sinon…

Nous arrivons dans une grande et accueillante famille: 6 frères et soeurs, maris, femmes, enfants, petits-enfants, et la grand mère, le pilier fondateur, toujours le sourire aux lèvres et de magnifiques yeux rieurs. Grande également parce que c’est une des plus importantes familles de la région, tout le monde les connait, et ils connaissent tout le monde. Et devinez pourquoi? Les mines, tiens! Le grand-père étaient l’un des premiers à creuser ici, ce qui a fait la richesse et la renommée de la famille. Aujourd’hui, même s’ils ne travaillent pas tous dans la pierre précieuse, ils sont toujours propriétaires de terrain, exploitants, commanditaires, et travaillent entre oncles, frères, cousins. Bref, une histoire de famille.

Pendant deux jours, nous avons vécu comme si nous étions des membres de la famille en visite chez eux. Ils ont été tout simplement adorables. Tous aux petits soins, autour de nous, nous étions les rois. Ils se sont coupés en quatre pendant ces deux jours. Nous sommes bien évidemment allés visiter des mines de pierres précieuses, nous sommes allés au temple avec eux jeudi soir (jour de Poya, important pour les bouddhistes), nous avons pris un bain dans une cascade au somment d’une montagne, nous sommes allés visiter un orphelinat pour éléphants. Nous avons mangé divinement bien, et nous avons même reçus des cadeaux: Thomas est reparti avec un sarong, le vêtement traditionnel des hommes Sri Lankais (et beaucoup d’autres partout en Asie du Sud), une sorte de « jupe » tubulaire, qu’il faut plier autour de la taille. Estelle a reçu quelques pierres semi-précieuses (non, pas des saphirs, mais tout de même!) déjà taillées et prêtes à être montées sur des boucles d’oreille et un collier (Thomas, sort le porte-feuille!)

Mais le must, le top, le truc le plus chouette, c’est qu’on est descendu au fond d’une mine de pierres précieuses, à 34 mètres sous terre, à la force de nos bras, le long d’une perche en bois, avec tout de même, tous les mètres, quelques rondins pour poser nos pieds, le tout sans filet de sécurité bien entendu (promis les parents, on ne le fera plus;))!

Estelle tremblait de peur. Au fond du trou, un tunnel de 20 mètres très faiblement éclairé par quelques bougies, qui servent aussi à détecter les gaz dangereux. Il fait chaud. L’air manque, on a les pieds dans une eau boueuse, eau qui nous dégouline du plafond, fait de terre également. Au fond du tunnel, des travailleurs qui creusent pour trouver des saphirs, rubis, topazes et autres. Une douzaine d’hommes travaillent là-dessous, dans des conditions plus que précaires. Ils passent leurs journées à creuser la roche en espérant y trouver quelque chose. Au fur et à mesure, ils remontent des sacs entiers de « terre » (bon c’est pas de la terre, c’est un mélange d’argile et de différentes pierres) qu’ils lavent littéralement à grandes eaux pour dégager les pierres précieuses à l’état brut. Elles ne brillent pas, elles ne sont pas taillées, mais elles sont tout de même magnifiques! Et elles valent beaucoup d’argent.

Bon, on s’est pas éternisé et on est vite remonté, toujours à la force des bras, qui tremblaient de plus belle. Un truc de dingue!

Normalement, les mines sont interdites aux femmes, un truc religieux, on ne sait pas très bien. Mais on était accompagné par un membre de la famille, qui connait tout le monde et qui a raconté que nous étions en lune de miel. Du coup, Estelle a pu accompagner Thomas. Expérience inoubliable !